Père Justin-Sylvestre KetteSoutenance de thèse
Diocèse de BossangoaEntretien avec Mgr Nestor-Désiré Nongo
Diocèse de Dassa-ZouméUne journée avec Mgr François Gnonhossou
La bonne route n’est pas un chemin facile.
Troisième Dimanche de Pâques
5 mai 2019
Première lecture
Lecture du livre des Actes des Apôtres
« Nous sommes les témoins de tout cela avec l’Esprit Saint. » (Ac 5, 27b-32.40b-41)
En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême. Le grand prêtre les interrogea : « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.
Psaume
(Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13)
R/ Je t’exalte, Seigneur.
Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.
Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.
Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !
Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !
Deuxième lecture
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
« Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse. » (Ap 5, 11-14)
Moi, Jean, j’ai vu : et j’entendis la voix d’une multitude d’anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens ; ils étaient des myriades de myriades, par milliers de milliers. Ils disaient d’une voix forte : « Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange. »
Toute créature dans le ciel et sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tous les êtres qui s’y trouvent, je les entendis proclamer : « À celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent.
Évangile
« Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. » (Jn 21, 1-19)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Le Christ est ressuscité, le Créateur de l’univers, le Sauveur des hommes. Alléluia.
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
La bonne route n’est pas un chemin facile.
Il faut rester dans la bonne direction pour que continue la route commencée… Jésus est sur le point de quitter les Apôtres définitivement. Désormais, ils ne le verront plus et il ne sera plus avec eux que dans l’Esprit qu’il leur a donné[1]. Certains qui, comme Simon-Pierre, les fils de Zébédée, Thomas dit le Jumeau et même le notable du nom de Nathanaël, sont nommés par l’évangile, sont remontés vers leur pays, la Galilée et voici qu’ils reprennent leurs vieilles habitudes de pêcheurs qui ne se sentent bien que dans le basculement d’une barque au milieu du frétillement des poissons dans le filet. Mais ce matin-là, lorsqu’un inconnu les attend sur les rives du lac, il n’y a rien dans le filet… Et pourtant ce sont des professionnels de la pêche ! Presque malicieusement, l’inconnu leur dit de jeter le filet « ailleurs », dans un endroit poissonneux…
Tout le message de ce passage de Jean est là : prendre la bonne route et trouver le bon endroit. Pendant plusieurs années, Jésus les a préparés à aller « ailleurs » et devenir des pêcheurs d’hommes, et non pas de poissons. Or, les voilà retournés vers le passé et vers leurs vieilles et confortables habitudes… alors que leur mission est ailleurs et bien moins confortable. Car elle commencera à Jérusalem, la cité sainte des justes et des purs qui n’ont jamais compris Jésus le libérateur. Ils ne l’ont pas aimé et l’ont encore moins suivi, allant jusqu’à le suspendre au gibet de la croix comme un malfaiteur. La première lecture de ce dimanche est le témoin de cet accueil négatif des envoyés du Messie de la part des hommes du conseil suprême, le « Sanhédrin » du Temple de Jérusalem. D’ailleurs, il a dit un jour à ses envoyés : ils m’ont persécuté et ils vous persécuteront parce qu’il ne comprennent pas vos paroles ni votre façon de vivre.
Jean 15:20 Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ; s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi ; s’ils ont observé ma parole, ils observeront aussi la vôtre.
Actes 7:52 Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils pas persécuté ? Ils ont même tué ceux qui annonçaient d’avance la venue du Juste, celui-là même que maintenant vous avez trahi et assassiné.
Pour suivre Jésus, il faut prendre la bonne voie, bien qu’elle soit semée d’embûches, comme nous le montre l’écriture sur sa vie et celle des apôtres, Paul y compris. Mais il faut toujours nous souvenir qu’il nous a dit : « Je suis le chemin parce que je suis la vérité et la vie. Celui qui me suivra ne sera jamais perdu. » En fait, c’est une longue chaîne dont nous sommes quelques maillons indispensables.
Jean-Pierre FREY sma
[1] Cela est raconté par le riche texte de sa dernière visite dans le lieu secret où ils se tenaient par peur des juifs.
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Deuxième Dimanche de Pâques
28 Avril 2019
Sean O'Mahony sma, Bible Stories for African Homes
Première lecture
Lecture du livre des Actes des Apôtres
« Des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachèrent au Seigneur. » (Ac 5, 12-16)
À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient dans le peuple. Tous les croyants, d’un même cœur, se tenaient sous le portique de Salomon. Personne d’autre n’osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge ; de plus en plus, des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachaient au Seigneur. On allait jusqu’à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des civières et des brancards : ainsi, au passage de Pierre, son ombre couvrirait l’un ou l’autre. La foule accourait aussi des villes voisines de Jérusalem, en amenant des gens malades ou tourmentés par des esprits impurs. Et tous étaient guéris.
Psaume
(Ps 117 (118), 2-4, 22-24, 25-27a)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Oui, que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
Donne, Seigneur, donne le salut !
Donne, Seigneur, donne la victoire !
Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient !
De la maison du Seigneur, nous vous bénissons !
Dieu, le Seigneur, nous illumine.
Deuxième lecture
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
« J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles. » (Ap 1, 9-11a. 12-13. 17-19)
Moi, Jean, votre frère, partageant avec vous la détresse, la royauté et la persévérance en Jésus, je me trouvai dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je fus saisi en esprit, le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, pareille au son d’une trompette. Elle disait : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. »
Je me retournai pour regarder quelle était cette voix qui me parlait. M’étant retourné, j’ai vu sept chandeliers d’or, et au milieu des chandeliers un être qui semblait un Fils d’homme, revêtu d’une longue tunique, une ceinture d’or à hauteur de poitrine. Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, ce qui va ensuite advenir. »
Évangile
« Huit jours plus tard, Jésus vient. » (Jn 20, 19-31)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Thomas parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »[2]
Les lectures des dimanches de Pâques explicitent ce qu’est la foi des chrétiens en Jésus ressuscité et décrivent la manière dont les premières communautés vivent de cette foi.
Dans l’évangile de ce jour, Jésus ressuscité est perçu comme présent à la communauté chrétienne lorsque celle-ci se rassemble au premier jour de la semaine, c’est-à-dire lors de la célébration eucharistique dominicale. Jésus est celui qui a vécu avec les siens lors de son ministère terrestre, il est celui qui a été crucifié car il porte les marques de la passion : « Il leur montra ses mains et son côté ». Il apporte la paix : « la paix soit avec vous », dit-il aux siens qui ont peur. Il envoie sur eux l’Esprit Saint, comme pour une nouvelle création, afin qu’ils puissent pardonner les péchés, comme Jésus.
La foi en Jésus ressuscité, cependant, ne va pas toujours de soi ; elle a besoin parfois d’être approfondie, restructurée. Le comportement de Thomas, qui peut être le jumeau de beaucoup d’entre nous, le prouve. Lorsque la foi est questionnée au sein de la communauté et de signes montrant l’évidence de la présence de Jésus, elle peut aboutir à une merveilleuse profession : « Mon Seigneur et mon Dieu ! », s’écrie Thomas. Il s’agit ici d’une formule de foi parmi les plus fortes de tout le Nouveau Testament. Ce qui s’est passé au premier jour, le jour de Pâques, se renouvelle huit jours après et se renouvelle chaque dimanche, et même chaque jour, lors de nos célébrations.
La présence de Jésus ressuscité, célébrée très tôt par les premiers chrétiens, est porteuse d’espérance lors des épreuves et des persécutions. L’auteur de la deuxième lecture, un extrait de l’Apocalypse, est saisi par cette présence le jour du Seigneur, qui se manifeste comme une voix, et comme un fils d’homme. Il est le premier et le dernier, le Vivant, le ressuscité, il apporte une parole de réconfort pour les chrétiens des sept églises nommées, en proie à des difficultés internes ou aux persécutions.
Jésus ressuscité est, dès le début des Actes des Apôtres, le centre de la communauté chrétienne et comme un modèle à suivre. Le texte d’aujourd’hui insiste surtout sur l’aspect thérapeutique : comme Jésus qui restaure l’homme par diverses guérisons et expulsions de démons, les apôtres accomplissent beaucoup de signes et de prodiges par la puissance manifeste de l'Esprit. Un résultat de ces actions est que des multitudes nombreuses, autant de femmes que d’hommes, « se rallient au Seigneur par la foi ». L'image de la foule, accourant de partout et disposant les malades de façon à ce que l'ombre de Pierre puisse les toucher, montre que la prédication de l'évangile atteint et guérit les masses les plus démunies. Les apôtres prolongent la présence et l'œuvre de Jésus qui accomplissait des miracles et des exorcismes comme signes du Règne qu'il proclamait[3] et réalisent ce qu’il leur avait promis d’accomplir.
Tout en présentant la première communauté chrétienne comme un idéal, Luc la dépeint aussi comme une réalisation imparfaite, une anticipation de ce vers quoi nous tendons. Cet idéal d'une communion des cœurs, aboutissant à une communauté des biens où il n'y a plus de pauvres, demeure le but vers lequel il faut marcher, un idéal peut-être humainement irréalisable, mais don de l’Esprit. Les esséniens pratiquaient déjà ce genre de partage : Philon rapporte que chez eux, « il n’y a qu’une seule bourse commune à tous et les dépenses sont communes, communs sont les vêtements et communs les aliments. » Luc voulait représenter l’âge d’or de la chrétienté, qui vivait l’harmonie des origines.
Jean-Marie GUILLAUME, sma
[1] Jn 20, 29.
[2] Jean, 20, 28-29.
[3] Cf Lc 6, 17-19.
La lumière de l’espérance
Pâques
21 avril 2019
Première lecture
Lecture du livre des Actes des Apôtres
« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. » (Ac 10, 34a.37-43)
En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »
Psaume
(Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23)
R/ Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.
Deuxième lecture
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens
« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ. » (Col 3, 1-4)
Frères,
si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.
Séquence
À la Victime pascale, chrétiens, offrez le sacrifice de louange.
L’Agneau a racheté les brebis ; le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père.
La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.
« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? »
« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité.
J’ai vu les anges ses témoins, le suaire et les vêtements.
Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Nous le savons : le Christ est vraiment ressuscité des morts.
Roi victorieux, prends-nous tous en pitié ! Amen.
Évangile
« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » (Jn 20, 1-9)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
La lumière de l’espérance
« Le Seigneur est ressuscité, Alléluia ! » En ce matin de Pâques, dans le monde entier, dans toutes les langues, a retenti ce cri de joie… Notre voix se joint à celle de millions de chrétiens de toutes races, langues, peuples et nations. Et notre joie, ce matin, est fondée, car Pâques, pour nous, chrétiens, c’est le triomphe de la vie sur la mort,
c’est la certitude d’une présence à nos côtés,
c’est la lumière de l’espérance.
Oui, Pâques est le triomphe de la vie. Les ennemis du Christ croyaient bien que c’en était fini de lui, à tout jamais enseveli sous la pierre du tombeau. Or voici que la pierre s’est levée laissant apparaître le Christ vivant, et vivant d’une vie immortelle. Et cette vie, il nous la communique ; cette vie, il nous y appelle. Peut-être, en ce moment de notre lecture, veut-il nous réveiller, faire de nous des Chrétiens Vivants, des chrétiens à nouveau actifs et entreprenants. Il nous demande : « Crois-tu que je suis la Résurrection et la Vie ? Crois-tu que je puisse ressusciter ce mort que tu es, toi ? » Et morts, en effet, nous l’avons souvent été en menant une vie médiocre, en ne voulant pas sortir de notre égoïsme pour nous ouvrir à Dieu et aux autres. Eh bien ! Aujourd’hui, sortons de notre coquille et de nos tombeaux, et ressuscitons à une vie nouvelle où le Christ et nos frères auront une plus grande place.
Mais Pâques, c’est aussi la certitude d’une présence, de SA présence sur les routes de notre vie. Le soir même de Pâques, Jésus rejoignait sur le chemin d’Emmaüs deux de ses disciples désemparés et les éclairait, les fortifiait par sa simple présence. Il marche toujours avec nous. Souvenez-vous de ce qu’il disait aux apôtres avant son Ascension : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Il s’agit seulement pour nous de reconnaître les signes de sa présence. Non, nous ne sommes pas seuls, laissés à nous-mêmes pour affronter les durs problèmes de la vie. Il n’y a aucun obstacle infranchissable pour lui : que ce soit l’angoisse, la dépression, le découragement, le sentiment d’impuissance... le Christ est toujours là qui nous dit : « Confiance, j’ai vaincu le monde ».
Et enfin, Pâques est aussi pour nous la lumière de l’espérance. La résurrection du Christ donne un sens à notre existence terrestre et à toutes les épreuves qui en constituent la trame. Dans toute vie, il y a des moments pénibles, des moments où l’on ne voit pas clair, des moments où l’on se demande à quoi bon lutter, à quoi bon continuer ses efforts !
Mais, heureusement, nous ne sommes pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance et qui recherchent dans la drogue, l’alcool ou le suicide l’oubli d’un monde pour eux vide de sens et creux. La Résurrection nous apporte l’assurance que la vie sera toujours la vie, que l’affliction de la maladie, la tristesse des départs, l’angoisse de la mort... ne sont qu’ombres passagères débouchant un jour sur la pleine lumière de l’éternité. Pâques met en nous cette certitude que nous ne sommes pas en route vers le néant, mais que nous marchons tout simplement vers la maison de notre Père. Cette certitude nous met, quoi qu’il arrive, la paix, le calme et la sérénité dans le cœur.
Eh bien ! En ce dimanche de Pâques, tout comme la nature revit en un jaillissement de bourgeons et de sève, que nous revivions nous aussi, que nous redevenions des chrétiens vivants et agissants, convaincus que la vie est plus forte que la mort et que l’amour est plus fort que la haine. Amen.
Claude RÉMOND sma
[1] Cf. 1 Co 5, 7b-8a.
Mourir pour ressusciter.
Dimanche des Rameaux
14 avril 2019
Première lecture
Lecture du livre du prophète Isaïe
« Je n’ai pas caché ma face devant les outrages, je sais que je ne serai pas confondu. » (Is 50, 4-7)
Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Psaume
(21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)
R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Tous ceux qui me voient me bafouent ;
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »
Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure ;
Ils me percent les mains et les pieds,
je peux compter tous mes os.
Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !
Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.
Deuxième lecture
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
« Il s’est abaissé : c’est pourquoi Dieu l’a exalté. » (Ph 2 6-11)
Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.
Évangile
Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Luc (Lc 22, 14 – 23, 56)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Pour nous, le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.[1]
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
(Pour la lecture dialoguée, les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants :
X = Jésus ;
L = Lecteur ;
D = Disciples et amis ;
F = Foule ;
A = Autres personnages.)
L. Quand l’heure fut venue, Jésus prit place à table, et les Apôtres avec lui. Il leur dit :
X. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu. »
L. Alors, ayant reçu une coupe et rendu grâce, il dit :
X. « Prenez ceci et partagez entre vous. Car je vous le déclare : désormais, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. »
L. Puis, ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant :
X. « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. »
L. Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant :
X. « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. Et cependant, voici que la main de celui qui me livre est à côté de moi sur la table. En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé. Mais malheureux cet homme-là par qui il est livré ! »
L. Les Apôtres commencèrent à se demander les uns aux autres quel pourrait bien être, parmi eux, celui qui allait faire cela. Ils en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ? Mais il leur dit :
X. « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi. Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. »
L. Pierre lui dit :
D. « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort. »
L. Jésus reprit :
X. « Je te le déclare, Pierre : le coq ne chantera pas aujourd’hui avant que toi, par trois fois, tu aies nié me connaître. »
L. Puis il leur dit :
X. « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous donc manqué de quelque chose ? »
L. Ils lui répondirent :
D. « Non, de rien. »
L. Jésus leur dit :
X. « Eh bien maintenant, celui qui a une bourse, qu’il la prenne, de même celui qui a un sac ; et celui qui n’a pas d’épée, qu’il vende son manteau pour en acheter une. Car, je vous le déclare : il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les impies. De fait, ce qui me concerne va trouver son accomplissement. »
L. Ils lui dirent :
D. « Seigneur, voici deux épées. »
L. Il leur répondit :
X. « Cela suffit. »
L. Jésus sortit pour se rendre, selon son habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. Arrivé en ce lieu, il leur dit :
X. « Priez, pour ne pas entrer en tentation. »
L. Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. S’étant mis à genoux, il priait en disant :
X. « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. »
L. Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. Puis Jésus se releva de sa prière et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis, accablés de tristesse. Il leur dit :
X. « Pourquoi dormez-vous ? Relevez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. »
L. Il parlait encore, quand parut une foule de gens. Celui qui s’appelait Judas, l’un des Douze, marchait à leur tête. Il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit :
X. « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ? »
L. Voyant ce qui allait se passer, ceux qui entouraient Jésus lui dirent :
D. « Seigneur, et si nous frappions avec l’épée ? »
L. L’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus dit :
X. « Restez-en là ! »
L. Et, touchant l’oreille de l’homme, il le guérit. Jésus dit alors à ceux qui étaient venus l’arrêter, grands prêtres, chefs des gardes du Temple et anciens :
X. « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais avec vous dans le Temple, et vous n’avez pas porté la main sur moi. Mais c’est maintenant votre heure et le pouvoir des ténèbres. »
L. S’étant saisis de Jésus, ils l’emmenèrent et le firent entrer dans la résidence du grand prêtre. Pierre suivait à distance. On avait allumé un feu au milieu de la cour, et tous étaient assis là. Pierre vint s’asseoir au milieu d’eux. Une jeune servante le vit assis près du feu ; elle le dévisagea et dit :
A. « Celui-là aussi était avec lui. »
L. Mais il nia :
D. « Non, je ne le connais pas. »
L. Peu après, un autre dit en le voyant :
A. « Toi aussi, tu es l’un d’entre eux. »
L. Pierre répondit :
D. « Non, je ne le suis pas. »
L. Environ une heure plus tard, un autre insistait avec force :
A. « C’est tout à fait sûr ! Celui-là était avec lui, et d’ailleurs il est Galiléen. »
L. Pierre répondit :
D. « Je ne sais pas ce que tu veux dire. »
L. Et à l’instant même, comme il parlait encore, un coq chanta. Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre. Alors Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement. Les hommes qui gardaient Jésus se moquaient de lui et le rouaient de coups. Ils lui avaient voilé le visage, et ils l’interrogeaient :
F. « Fais le prophète ! Qui est-ce qui t’a frappé ? »
L. Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres blasphèmes. Lorsqu’il fit jour, se réunit le collège des anciens du peuple, grands prêtres et scribes, et on emmena Jésus devant leur conseil suprême. Ils lui dirent :
F. « Si tu es le Christ, dis-le nous. »
L. Il leur répondit :
X. « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si j’interroge, vous ne répondrez pas. Mais désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la Puissance de Dieu. »
L. Tous lui dirent alors :
F. « Tu es donc le Fils de Dieu ? »
L. Il leur répondit :
X. « Vous dites vous-mêmes que je le suis. »
L. Ils dirent alors :
F. « Pourquoi nous faut-il encore un témoignage ? Nous-mêmes, nous l’avons entendu de sa bouche. »
L. L’assemblée tout entière se leva, et on l’emmena chez Pilate. On se mit alors à l’accuser :
F. « Nous avons trouvé cet homme en train de semer le trouble dans notre nation : il empêche de payer l’impôt à l’empereur, et il dit qu’il est le Christ, le Roi. »
L. Pilate l’interrogea :
A. « Es-tu le roi des Juifs ? »
L. Jésus répondit :
X. « C’est toi-même qui le dis. »
L. Pilate s’adressa aux grands prêtres et aux foules :
A. « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de condamnation. »
L. Mais ils insistaient avec force :
F. « Il soulève le peuple en enseignant dans toute la Judée ; après avoir commencé en Galilée, il est venu jusqu’ici. »
L. À ces mots, Pilate demanda si l’homme était Galiléen. Apprenant qu’il relevait de l’autorité d’Hérode, il le renvoya devant ce dernier, qui se trouvait lui aussi à Jérusalem en ces jours-là. À la vue de Jésus, Hérode éprouva une joie extrême : en effet, depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. Il lui posa bon nombre de questions, mais Jésus ne lui répondit rien. Les grands prêtres et les scribes étaient là, et ils l’accusaient avec véhémence. Hérode, ainsi que ses soldats, le traita avec mépris et se moqua de lui : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate. Ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent des amis, alors qu’auparavant il y avait de l’hostilité entre eux. Alors Pilate convoqua les grands prêtres, les chefs et le peuple. Il leur dit :
A. « Vous m’avez amené cet homme en l’accusant d’introduire la subversion dans le peuple. Or, j’ai moi-même instruit l’affaire devant vous et, parmi les faits dont vous l’accusez, je n’ai trouvé chez cet homme aucun motif de condamnation. D’ailleurs, Hérode non plus, puisqu’il nous l’a renvoyé. En somme, cet homme n’a rien fait qui mérite la mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir fait donner une correction. »
L. Ils se mirent à crier tous ensemble :
F. « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas. »
L. Ce Barabbas avait été jeté en prison pour une émeute survenue dans la ville, et pour meurtre. Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole. Mais ils vociféraient :
F. « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »
L. Pour la troisième fois, il leur dit :
A. « Quel mal a donc fait cet homme ? Je n’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir fait donner une correction. »
L. Mais ils insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs cris s’amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur requête. Il relâcha celui qu’ils réclamaient, le prisonnier condamné pour émeute et pour meurtre, et il livra Jésus à leur bon plaisir.
L. Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus. Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit :
X. « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Voici venir des jours où l’on dira : Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité ! Alors on dira aux montagnes : Tombez sur nous, et aux collines : Cachez-nous. Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? »
L. Ils emmenaient aussi avec Jésus deux autres, des malfaiteurs, pour les exécuter. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait :
X. « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »
L. Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient :
F. « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
L. Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant :
F. « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
L. Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait :
A. « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
L. Mais l’autre lui fit de vifs reproches :
A. « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
L. Et il disait :
A. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
L. Jésus lui déclara :
X. « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
L. C’était déjà environ la sixième heure (c’est-à-dire : midi) ; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure, car le soleil s’était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. Alors, Jésus poussa un grand cri :
X. « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »
L. Et après avoir dit cela, il expira.
(Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant.)
L. À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu :
A. « Celui-ci était réellement un homme juste. »
L. Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ses amis, ainsi que les femmes qui le suivaient depuis la Galilée, se tenaient plus loin pour regarder. Alors arriva un membre du Conseil, nommé Joseph ; c’était un homme bon et juste, qui n’avait donné son accord ni à leur délibération, ni à leurs actes. Il était d’Arimathie, ville de Judée, et il attendait le règne de Dieu. Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. Puis il le descendit de la croix, l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé. C’était le jour de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat. Les femmes qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Mourir pour ressusciter.
Bien-aimés de Dieu !
Le récit de la Passion du Christ Jésus…Tous les évangélistes le rapportent, mais chacun avec son optique particulière. Saint Luc souligne particulièrement deux choses :
la bonté de Jésus, perpétuellement en action : il accueille le traitre, il pardonne à Pierre, il console les femmes qui pleurent, il prie pour ses bourreaux ;
son rôle de victime expiatoire : ayant pris sur lui tous nos péchés, il ne se dérobe pas aux coups et aux souffrances.
Acceptée et offerte par amour, sa Passion devient victoire et source de salut pour tous les hommes.
Nous devons comprendre que chacun de nous est engagé dans la Passion du Christ, Serviteur souffrant de Dieu. Il faut mourir en nos péchés et en nos penchants mauvais pour ressusciter avec Jésus pour une vie nouvelle. Comme Simon de Cyrène, nous avons à porter notre croix derrière Jésus, par amour. Car c’est « en mourant qu’on ressuscite », et c’est parce que le Christ « s’est abaissé jusqu’à la mort, et la mort sur la croix, qu’il a été souverainement élevé au-dessus de tout nom, afin qu’au Nom de Jésus, tout genoux fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame que Jésus est Seigneur à la gloire de Dieu le Père[2] ».
Bonne Semaine Sainte à tous !
Abbé Samuel GAMLIGO
[1] Cf. Ph 2, 8-9.
[2] Cf. Ep. 2, 9.
La fin du bouc émissaire
Cinquième Dimanche de Carême
7 avril 2019-03-29
Première lecture
Lecture du livre du prophète Isaïe
« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple. » (Is 43, 16-21)
Ainsi parle le Seigneur, lui qui fit un chemin dans la mer, un sentier dans les eaux puissantes, lui qui mit en campagne des chars et des chevaux, des troupes et de puissants guerriers ; les voilà tous couchés pour ne plus se relever, ils se sont éteints, consumés comme une mèche. Le Seigneur dit : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Oui, je vais faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. Les bêtes sauvages me rendront gloire – les chacals et les autruches – parce que j’aurai fait couler de l’eau dans le désert, des fleuves dans les lieux arides, pour désaltérer mon peuple, celui que j’ai choisi. Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. »
Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.
Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !
Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.
Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.
Deuxième lecture
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans sa mort. » (Ph 3, 8-14)
Frères,
tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.
Évangile
« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter une pierre. » (Jn 8, 1-11)
Acclamation :
Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi. Maintenant, dit le Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur, car je suis tendre et miséricordieux. Gloire à toi, Seigneur. Gloire à toi[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
La fin du bouc émissaire[2]
On jette devant Jésus une femme qui a commis l’adultère. Ce qui est le plus choquant, c’est qu’on n’amène que la femme seule, le complice on l’a laissé aller. Il est naturellement plus facile de s’attaquer aux plus faibles. C’en est fini pour cette femme, elle n’a plus aucune chance d’en sortir, elle est déjà par terre et sera bientôt sous terre. Elle est cernée par la foule. Chacun a ses pierres en mains prêtes à être jetées. On n’attend que l’ordre, c’est-à-dire la réponse de Jésus à la question piège : « Faut-il oui ou non la tuer ? » Jésus s’abaisse et se met au même niveau que la femme, c’est-à-dire par terre, car il sent que ce sera bientôt son tour d’être jeté par terre et de tomber sous les coups.
Dans certains pays, aujourd’hui encore, des lois religieuses invitent à lapider les femmes adultères. Dans notre religion, il n’y a pas si longtemps, c’étaient les hérétiques et les sorcières qui périssaient sur le bucher. Comme dans l’Évangile d’aujourd’hui, les exécutions attiraient les foules, qui se réjouissaient de participer à la mise à mort de ces possédés du démon. De telles pratiques nous révoltent aujourd’hui, on se demande comment il est possible, non seulement que les religions aient justifié de telles tueries, mais aussi que des personnes soi-disant « vertueuses » puissent participer au massacre d’autres personnes de leur entourage, et même s’en réjouir ?
Lorsqu’autrefois un malheur frappait une population, c’était considéré comme une punition des divinités à cause de la faute des hommes. On cherchait alors un coupable et, pour apaiser la colère des dieux, on le mettait à mort. Ce n’est qu’alors que le peuple pouvait retrouver sa sérénité. Jusqu’au jour où ces sacrifices humains furent heureusement remplacés par le sacrifice d’un animal. Rappelons-nous le sacrifice d’Isaac. L’animal sacrifié était le « bouc émissaire », c’est-à-dire celui qui était sacrifié en portant la faute des hommes. Personne donc ne se sentait ni coupable, ni responsable d’aucune faute puisque la victime était chargée de tous les péchés de la communauté. Jésus s’est élevé contre cette conception de la « colère de Dieu » qu’il fallait apaiser. Chacun est responsable de sa faute et doit en rendre compte personnellement. C’est un peu facile de s’en décharger sur le dos d’innocents exécutés.
Sans doute, dans nos pays, il n’y a plus de mise à mort, les buchers sont éteints ; pourtant, insidieusement, l’idée du « bouc émissaire » continue à faire des ravages. Il n’est pas difficile d’observer que, partout où des femmes et des hommes sont ensemble, très rapidement émerge du groupe un « bouc émissaire » : que ce soit à l’école, à l’atelier, au bureau, dans le village, et même parfois dans la famille. Il y a souvent, comme on dit, « une tête de turc », une personne fragilisée, plus vulnérable, plus faible, un peu différente, sur laquelle tout le monde s’acharne ; on la rend responsable de tout ce qui ne va pas, on lui impute toutes les erreurs, les accidents et les ratés.
S’il n’y a plus de mort sanglante aujourd’hui, il y a cependant toujours autant de mise à mort aussi cruelles et vicieuses : on décourage la victime, on fait tout pour qu’elle parte, qu’elle perde son emploi, voire même qu’elle se suicide ! Les exemples sur les réseaux sociaux sont légion ! Lui faire endosser tout le mal permet a chacun de se déculpabiliser : « ce n’est pas moi, c’est lui ! Moi je suis du bon côté, je n’ai rien à me reprocher, je suis pur, vertueux, j’observe les commandements… »
Oui, des femmes lapidées, des « boucs émissaires » existent plus que jamais dans notre société. Ils sont lapidés avec des mots qui tuent aussi sûrement que des pierres. Cette pratique, qui semble d’un autre âge, n’a guère évolué. Ne sommes-nous pas aussi armés de pierres et de mépris pour cette femme prise en flagrant délit d’adultère, comme pour celui qui est sorti de prison, pour cet alcoolique, ce voleur, ou ceux-là qui ont abandonné leurs enfants… ? Et nous ne nous privons pas de les jeter par terre, de les lapider sans leur donner la moindre chance de se racheter, de se ressaisir, de changer et de reconstruire un nouvel avenir.
Tous ces gens hargneux, Jésus va pourtant les contraindre à rentrer en eux-mêmes, un peu comme l’avait fait l’enfant prodigue dont l’Évangile nous parlait dimanche dernier. Jésus va les obliger à constater qu’ils ne sont pas aussi purs qu’ils en ont l’air. « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre »… et chacun s’en retourne un peu moins fier.
Si cette femme a pu être sauvée, c’est grâce, finalement, à ceux qui ont eu la franchise de rentrer en eux-mêmes et de regarder leur passé peu glorieux. Sans ce retournement, Jésus n’aurait rien pu faire pour que cette femme ne soit pas lapidée. En quelque sorte, nous pouvons dire que les accusateurs sont aussi sauvés.
Comme dimanche dernier avec l’enfant prodigue qui « rentre en lui-même », Jésus force tous les accusateurs à jeter leur pierre, à rentrer en eux-mêmes pour reconnaître leur faute, leur responsabilité dans le mal qui nous assaille. Nous prenons alors conscience que nous ne sommes pas nécessairement meilleurs que ceux que nous avons envie de lapider. C’en est fini du bouc émissaire, nous dit Jésus, même si lui mourra aussi de cette manière.
Quand tous sont partis, Jésus se relève alors, tout en relevant la femme, un peu comme s’il se relevait du tombeau en entraînant avec lui tous les pécheurs. Mais cette résurrection, ce nouveau départ pour la vie, n’a été possible que grâce à tous ceux qui ont accepté de rentrer en eux-mêmes et de laisser tomber leurs pierres. Oui, il n’y a de Pâques possible que si nous aussi, aujourd’hui, nous acceptons de rentrer en nous-mêmes et de regarder notre passé.
Nous aider à rentrer en nous-mêmes, c’est tout le sens du sacrement de réconciliation qui nous est proposé en préparation à Pâques. Ce regard sur notre passé, loin de vouloir nous enfoncer dans une culpabilité morbide, nous permettra au contraire de regarder non plus seulement notre propre avenir, mais aussi celui des autres, avec confiance et optimisme.
Ce n’est que lorsque nous aurons lâché les pierres que nous serrons dans nos mains pour lapider les autres que Jésus pourra nous aider à nous relever et à reconstruire un avenir nouveau, les prémices de la résurrection.
Jacques NOIROT sma
[1] Cf. Jl 2, 12b. 13c.
[2] Illustration : Jésus et la femme adultère, par Guercino (1621). Dulwich Picture Gallery. Photo wikipedia