Père Justin-Sylvestre KetteSoutenance de thèse
Diocèse de BossangoaEntretien avec Mgr Nestor-Désiré Nongo
Diocèse de Dassa-ZouméUne journée avec Mgr François Gnonhossou
« Accueille-le comme un frère bien-aimé. »
Vingt-troisième Dimanche Ordinaire C
8 septembre 2019
Première lecture
Lecture du livre de la Sagesse
« Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » (Sg 9, 13-18)
Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées. Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.
Psaume
(Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc)
R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.
Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.
Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.
Deuxième lecture
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Philémon
« Accueille-le, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé. » (Phm 9b-10.12-17)
Bien-aimé,
moi, Paul, tel que je suis, un vieil homme et, qui plus est, prisonnier maintenant à cause du Christ Jésus, j’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, en prison, j’ai donné la vie dans le Christ. Je te le renvoie, lui qui est comme mon cœur. Je l’aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l’Évangile. Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers. S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. Si donc tu estimes que je suis en communion avec toi, accueille-le comme si c’était moi.
Évangile
« Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. » (Lc 14, 25-33)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Pour ton serviteur, que ton visage s’illumine : apprends-moi tes commandements. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever ! Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
« Accueille-le comme un frère bien-aimé. »
Dans l’évangile de ce dimanche Jésus nous dit : « Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Mais renoncer pour renoncer ne sert de rien. Renoncer pour être un vrai disciple, capable de marcher librement à sa suite, est déjà mieux. Mais ce qu’il nous demande, c’est de libérer la route et nous-mêmes de tous les « déchets » qui nous encombrent et qui bloquent notre cheminement vers son royaume. Ce n’est pas uniquement une affaire de force et de primauté, comme nous le dit encore l’évangile de ce jour dans ses comparaisons. Cela se fait souvent aujourd’hui : on jeûne et on s’allège pour tenir la forme… Ce n’est pas mal, mais cela ne va pas assez loin.
C’est d’abord une affaire de perspective et de choix à faire pour un autre monde, ou un monde autre, comme dans cette histoire d’un esclave, Onésime de son nom, qui a fui pour se réfugier auprès de Paul parce que son maître, un « chrétien », était inhumain envers lui. Et Paul, non sans ironie, répond au maître de cet esclave : « Si Onésime a été éloigné de toi pendant quelque temps (le temps de la fuite), c’est peut-être pour que tu le retrouves « autre » définitivement, non plus comme un esclave, mais mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé ».
C’est ce monde que nous présentent les textes de ce dimanche : pense à l’autre, ne l’exploite pas mais porte-lui toute ton amitié et sache pardonner. On appelle cela l’humanisme chrétien, c’est-à-dire que l’homme passe d’abord, dans ce qu’il est et dans ce qu’il a ; d’autres parlent de dignité humaine. Elle est à « conquérir » et à « affermir », avant de construire autour de ce que je possède une tour pour mieux protéger mon avoir… au lieu de faire porte ouverte pour partager avec tous et mieux renoncer, comme Jésus me le demande dans l’évangile.
Jean-Pierre FREY sma
[1] Cf. Ps 118, 135.
« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité. »
Vingt-deuxième Dimanche Ordinaire C
1er septembre 2019
Première lecture
Lecture du livre de Ben Sira le Sage
« Il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. » (Si 3, 17-18.20.28-29)
Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.
Psaume
(Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11)
R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.
Père des orphelins, défenseur des veuves,
tel est Dieu dans sa sainte demeure.
À l’isolé, Dieu accorde une maison ;
aux captifs, il rend la liberté.
Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse,
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais.
Sur les lieux où campait ton troupeau,
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.
Deuxième lecture
Lecture de la lettre aux Hébreux
« Vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant. » (He 12, 18-19.22-24a)
Frères,
quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre. Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle.
Évangile
« Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 14, 1.7-14)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Prenez sur vous mon joug, dit le Seigneur ; devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : Cède-lui ta place ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : Mon ami, avance plus haut, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité[2]. »
Les lectures de ce jour sont une véritable incitation à l’humilité et à l’accueil des pauvres. « Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité », ainsi commence la première lecture, tirée du livre de la Sagesse. La première motivation pour la pratique de l’humilité reste intéressée et source de rétribution : « tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur ». Cependant, la deuxième motivation est plus spirituelle : « tu trouveras grâce devant le Seigneur ». L’auteur donne des conseils qui sont les fruits d’une grande expérience et d’un constat réaliste de la vie ordinaire, celui d’un sage qui regarde et d’« une oreille qui écoute ».
L’expérience du sage qui regarde, nous la retrouvons en Jésus dans l’évangile. Il « dit une parabole », inspirée par l’attitude des pharisiens qui s’efforçaient d’occuper les premières places au repas auquel ils étaient invités. La sagesse pousserait les invités à s’installer à la dernière place au lieu de se précipiter aux premières. Il est clair qu’on n’a pas à se donner soi-même des honneurs. Devant Dieu, nous sommes tous des créatures, tirées de la terre, tirées de l’humus, mot qui a rapport avec humilité. Si l’homme occupe sa juste place, il rend gloire à Dieu. Il laisse Dieu prendre soin de lui et lui donner de l’importance. Il s’émerveille des biens reçus. Marie, « l’humble servante », s’émerveille de l’œuvre faite en elle par le Seigneur.
« … Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : mon ami avance plus haut, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé et quiconque s’abaisse sera élevé. » Cette dernière phrase, dont le dernier élément est au passif (passif théologique), insinue que c’est Dieu lui-même qui élève. Il élèvera par la résurrection son fils qui s’est abaissé.
Vient ensuite la parabole des invités au repas de fête : les invités sont « des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles », autant de personnes qui, à cause de leur vie en exclusivité et de leur handicap physique, n’avaient pas le droit de participer à la liturgie du temple. Celui qui invite les pauvres, estropiés, boiteux, aveugles qui n’ont pas de quoi rendre l’invitation, sera « heureux », parce qu’il aura fait son possible pour aimer gratuitement. Mais Luc, par cette invitation aux pauvres et aux blessés de la vie, veut probablement lancer aussi un appel à la communauté chrétienne de son temps, lui suggérant d’étendre l’accueil eucharistique et la table commune à toutes ces personnes. Cette idée peut nous permettre de rejoindre la deuxième lecture, un extrait de la lettre aux Hébreux, décrivant la venue des croyants « vers Dieu », « vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle ». Ils constituent « l’assemblée des premiers-nés », des gens re-nés par le baptême. C’est ce qui fait leur motivation pour « être inscrits dans les cieux ».
Dans cette communauté des baptisés, comme dans l’assemblée rassemblant les pauvres et les blessés de la vie à laquelle Luc fait allusion, il n’y a pas de places privilégiées ; tous, au même niveau, sont des invités. Il n’y a pas de place pour le protocole ; les personnes qui sont mises en avant ne sont pas là pour l’honneur, mais uniquement pour un service à la communauté, le service de l’offrande, le service de la parole et des tables pour les diacres, le service de la présidence à l’Eucharistie ou de la prédication pour le prêtre, à condition qu’il y soit bien préparé.
Jean-Marie GUILLAUME, sma
[1] Cf. Mt 11, 29ab.
[2] Sagesse, 3, 17.
La porte étroite
Vingt-et-unième Dimanche Ordinaire C
25 août 2019
Première lecture
Lecture du livre du prophète Isaïe
« De toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères. » (Is 66, 18-21)
Ainsi parle le Seigneur : connaissant leurs actions et leurs pensées, moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire : je mettrai chez elles un signe ! Et, du milieu d’elles, j’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont rien entendu de ma renommée, qui n’ont pas vu ma gloire ; ma gloire, ces rescapés l’annonceront parmi les nations. Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur, sur des chevaux et des chariots, en litière, à dos de mulets et de dromadaires, jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem, – dit le Seigneur. On les portera comme l’offrande qu’apportent les fils d’Israël, dans des vases purs, à la maison du Seigneur. Je prendrai même des prêtres et des lévites parmi eux, – dit le Seigneur.
Psaume
(Ps 116 (117), 1, 2)
R/ Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile.
Louez le Seigneur, tous les peuples ;
fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
éternelle est la fidélité du Seigneur !
Deuxième lecture
Lecture de la lettre aux Hébreux
« Quand Dieu aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons. » (He 12, 5-7.11-13)
Frères,
vous avez oublié cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils. Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice. C’est pourquoi, redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse ; bien plus, il sera guéri.
Évangile
« On viendra de l’orient et de l’occident prendre place au festin dans le royaume de Dieu.» (Lc 13, 22-30)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, dit le Seigneur ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : Seigneur, ouvre-nous, il vous répondra : Je ne sais pas d’où vous êtes. Alors vous vous mettrez à dire : Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places. Il vous répondra : Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
La porte étroite
Nous qui dans moins de cent ans aurons disparu de ce monde, ferons-nous partie alors de ceux qui seront sauvés ?... N'y en aura-t-il qu'un petit nombre - les fameux 144 000 des témoins de Jéhova, ou serons-nous tous avec le Christ, et avec ces milliards d'élus venant de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi, prenant place au festin dans le Royaume de Dieu ?
Eh bien ! Voilà une question qui, à mon sens, est importante, et je devrais me sentir concerné par elle. Cependant, vous l'avez sans doute remarqué, le Christ esquive un peu la réponse. L'important, pour lui, n'est pas de comptabiliser le nombre des élus, mais de connaître les moyens à mettre en œuvre pour, justement, « prendre place au festin dans le Royaume de Dieu... » Voilà ce qu'il importe de savoir, de vivre. Le reste n'est que vaine curiosité. Je dirais même, pour pousser à l'extrême : qu'importe 100 ou 1 000 000 de sauvés, l'important est que je m'efforce, MOI, d'entrer par la porte étroite !
Quand on réfléchi à ce problème, il faut surtout se garder d'aller d'un extrême à l'autre et de se cramponner à une parole du Christ sans tenir compte d'une multitude d'autres qui l'éclairent et la complètent. Il y eut un temps où, sous l'influence du jansénisme, le salut était présenté comme quelque chose de dur et d'ardu, réservé à une élite. Et ce n'était qu'avec crainte et tremblement qu'on se lançait dans la course, essayant d'éviter les écueils afin d'arriver à bon port. L'image de la porte étroite qu'utilise le Christ dans cet Évangile semblerait accréditer cette thèse, ainsi que la riposte sévère du Maître de maison : « Allez-vous en... je ne sais pas d'où vous êtes ».
La Bible, cependant, nous montre à satiété que Dieu est un Père ; or la joie d'un Père est que tous ses enfants soient réunis autour de lui. Le prophète Isaïe le proclamait dans la première lecture de la part de Dieu : « Parole du Seigneur : Je viens rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. Ils viendront et ils verront ma gloire... » En outre, toutes les paroles, tous les gestes du Christ, ont confirmé cette volonté d'introduire tous les hommes dans le Royaume. Il aime se dire le Bon Pasteur de tout le troupeau, celui qui ne ménage pas sa peine et part à la recherche de la brebis égarée.
Donc, du côté de Dieu, si l'on peut dire, il n'y a pas de problème : le salut est universel, nous sommes tous invités à entrer. Dieu ne connaît ni l'élitisme ni la sélection... Il faut bien alors se rendre à l'évidence : que nous soyons ou non sauvés dépend en grande partie de nous. Il suffit de se poser honnêtement la question : sommes-nous de ceux qui font le mal, ou de ceux qui font le bien ? Notre réponse aux appels de Dieu se solde-t-elle toujours par un « non », ou par un « oui » ? Dieu, en fin de compte, ne fait que respecter notre liberté : si, durant toute sa vie, quelqu'un a refusé d'entrer dans le Royaume, Dieu ne lui forcera pas la main. On ne peut forcer l'Amour, on ne peut imposer d'aimer.
En definitive, si nous voulons être parmi les convives du festin du Royaume, une seule chose nous sera demandée: nous débarrasser de toutes ces fausses richesses qui nous encombrent, qui nous épaississent et nous empêchent de passer par la porte étroite. C'est aussi de faire le bien, et de le faire avant que la porte de la patience de Dieu ne soit fermée. Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent... et qu’ils mettent en pratique.
Amen
Claude RÉMOND, sma
[1] Cf. Jn 14, 6.
Le choix face à l’amour
Vingtième Dimanche Ordinaire C
18 août 2019
Première lecture
Lecture du livre du prophète Jérémie
« Ma mère, tu m’as enfanté homme de querelle pour tout le pays. » (Jr 15, 10 ; 38, 4-6. 8-10)
En ces jours-là, pendant le siège de Jérusalem, les princes qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur. » Le roi Sédécias répondit : « Il est entre vos mains, et le roi ne peut rien contre vous ! » Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne de Melkias, fils du roi, dans la cour de garde. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue, et Jérémie enfonça dans la boue. Ébed-Mélek sortit de la maison du roi et vint lui dire : « Monseigneur le roi, ce que ces gens-là ont fait au prophète Jérémie, c’est mal ! Ils l’ont jeté dans la citerne, il va y mourir de faim car on n’a plus de pain dans la ville ! » Alors le roi donna cet ordre à Ébed-Mélek l’Éthiopien : « Prends trente hommes avec toi, et fais remonter de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. »
Psaume
(Ps 39 (40), 2, 3, 4, 18)
R/ Seigneur, viens vite à mon secours !
D’un grand espoir,
j’espérais le Seigneur :
il s’est penché vers moi
pour entendre mon cri.
Il m’a tiré de l’horreur du gouffre,
de la vase et de la boue ;
il m’a fait reprendre pied sur le roc,
il a raffermi mes pas.
Dans ma bouche il a mis un chant nouveau,
une louange à notre Dieu.
Beaucoup d’hommes verront, ils craindront,
ils auront foi dans le Seigneur.
Je suis pauvre et malheureux,
mais le Seigneur pense à moi.
Tu es mon secours, mon libérateur :
mon Dieu, ne tarde pas !
Deuxième lecture
Lecture de la lettre aux Hébreux
« Courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée. » (He 12, 1-4)
Frères,
nous qui sommes entourés d’une immense nuée de témoins, et débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu. Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché.
Évangile
« Je ne suis pas venu mettre la paix sur terre, mais bien plutôt la division. » (Lc 12, 49-53)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Le choix face à l’amour
Dieu, pour montrer le chemin de vie et de paix à son peuple, lui a parlé dans le passé par la voix des prophètes et, en dernier lieu, il lui a parlé par son propre Fils, sa parole vivante, Jésus venu dans le monde. Mais cette Parole est rarement bien accueillie, et les envoyés souvent maltraités. Dans les textes de ce 20ème dimanche, le prophète Jérémie en est l’exemple. On l’accuse de « démoraliser la population ». Certains réclament sa mort. Il est finalement jeté dans une citerne boueuse. Il échappe cependant à la mort grâce à un Éthiopien.
Jésus, pour nous communiquer l’amour du Père, désire faire cette plongée dans la mort qu’il appelle un « baptême ». Il dit apporter un feu sur la terre. Le feu est une image de Dieu : en disant cela, Jésus voudrait embraser l’humanité de l’amour de Dieu. Tel doit être le désir de tout chrétien appelé à œuvrer aux côtés du Christ dans son Église. L’amour de Jésus nous oblige aussi à passer par la mort dont notre baptême est la réalisation symbolique.
Face au feu dont Jésus veut embraser le monde, les hommes s’opposent ; certains le refusent, d’autre l’acceptent. Ils s’opposeront à ses disciples aussi. Jésus, qui est le Prince de la Paix, devient l’homme de toutes les contradictions. Cela le conduira à la mort de la croix, et il en sera de même pour le disciple. Pour qui veut être disciple du Christ, les oppositions et les contradictions ne manqueront pas. C’est pourquoi la Lettre aux Hébreux nous invite, à sa suite, à « méditer l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité » et, à notre tour, à suivre « avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus qui est à l’origine et le terme de notre foi ». C’est l’arme spirituelle du Chrétien pour lutter contre le découragement.
« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé. Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! ». Tout est dit, de la Passion, de la mort et de la résurrection de Jésus et du don de l’Esprit Saint à l’horizon qui va renouveler la face du monde.
Nous ne pouvons pas rêver d’une vie religieuse à la suite de Jésus sans opposition, sans ennuis, ni tribulations ! C’est notre croix. Mais « si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons, si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons ». Prions pour que les chrétiens ne se découragent pas devant les obstacles et les contradictions du monde.
Puisse l’Eucharistie de ce jour nous obtenir la grâce. Amen.
Abbé Samuel GAMLIGO
[1] Cf. Jn 10, 27.
« Le Puissant fait pour moi des merveilles, saint est son nom. »
Assomption
15 août 2019
Première lecture
Lecture de l'Apocalypse de saint Jean
« Une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds. » (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)
Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement.
Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
Psaume
(Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16)
R/ Debout, à la droite du Seigneur, se tient la reine, toute parée d’or.
Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté.
Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire.
Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi.
Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
on les conduit parmi les chants de fête :
elles entrent au palais du roi.
Deuxième lecture
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
« En premier, le Christ ; ensuite, ceux qui lui appartiennent. » (1 Co 15, 20-27a)
Frères,
le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds.
Évangile
« Le Puissant fit pour moi des merveilles : il élève les humbles. » (Lc 1, 39-56)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »
Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
« Le Puissant fait pour moi des merveilles, saint est son nom. »
Depuis 2000 ans qu’on la connaît, Marie n’a pas pris une ride ! Quand on la représente, on aime la dépeindre comme une jeune femme. Le plus étonnant est que Marie a les cheveux blonds en Allemagne, châtains en France et noirs en Italie. Elle a les yeux bridés en Asie et la peau noire en Afrique. Pourquoi ? C’est que Marie est à la fois la mère de Dieu dont elle reflète la sérénité, mais aussi la sœur des croyants dont elle reflète la diversité. Marie est inséparable de ses représentations et de ses images.
Nous croyons qu’elle est apparue à Lourdes, à Beauraing, Fatima… L’histoire nous apprend qu’il existe des milliers de récits d’apparitions mariales depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Déjà en 379, Marie apparaissait à Constantinople sous la forme d’une icône et guérissait les malades.
On pourrait parfois croire que Marie fait de la politique. Ainsi, quand on voit que le roi Philippe IV a consacré l’Espagne à Marie pour protéger son pays de ses ennemis français, alors que le roi Louis XIII consacre de son côté la France à la Vierge pour la protéger des Espagnols ! Marie contre Marie ! Et si Marie est souvent la patronne des villes, c’est d’abord pour protéger les communautés locales contre les maladies et les cataclysmes.
Marie est aussi une femme qui parle ; elle a chaque fois un message à transmettre, certains semblent terrifiants, comme à Fatima, au point qu’il ne fut jamais dévoilé. Marie, qui dans les Évangiles est d’une discrétion totale, tient chaque jour à Médjugorje un bavardage incessant depuis de nombreuses années !
Marie a aussi une capacité extraordinaire de se démultiplier. On ne peut recenser les milliers de représentations que les artistes en ont faites. C’est que, sous ces différents visages, elle fait prier les fidèles des nations du monde entier qui se reconnaissent en elle. On découvre ainsi une tension entre la Marie de la liturgie officielle et la Marie de la pratique populaire. Il est vrai que certaines exagérations à son sujet, ces représentations à l’eau de rose, ces messages douteux… en un mot cette idolâtrie de Marie, sont parfois un obstacle à nos esprits critiques et rationnels. Mais je pense qu’il nous faut passer au-dessus de toutes ces contingences humaines et retrouver dans Marie la femme forte de l’Évangile, la femme qui met sa vie sous le signe de la confiance.
Une surprise aussi : savez-vous que Marie est plus citée dans le Coran (34 fois) que dans l’Évangile (19 fois) ? Elle y est présentée comme « choisie parmi toutes les femmes du monde » et bénéficie de privilèges exceptionnels. En voyant, cela on peut imaginer que Marie est peut-être l’ouverture à un dialogue interreligieux entre l’islam et le christianisme. Autre petite surprise, Marie, dans l’Évangile de Jean, n’est jamais appelée par son nom mais simplement présentée comme la « mère de Dieu ». Par la parole de Jésus sur la croix : « Voici ta mère », ce disciple atteste qu’il est l’image même du croyant qui devient frère du Christ.
Nous savons combien les femmes, depuis des siècles et dans toutes les cultures, ont dû et doivent encore se battre pour leur reconnaissance et se faire une place dans une société machiste. On ne peut imaginer ce qu’il en aurait été sans Marie. Nous savons combien elle a exercé son influence pour valoriser la femme dans le monde. Elle est la femme dont Dieu a voulu avoir besoin pour faire comprendre aux hommes que l’humanité était destinée à naître à sa divinité.
Quelle représentation nous faisons-nous de Marie ? Quelle est l’image qui nous vient à l’esprit lorsque nous entendons son nom ? Nous l’imaginons, ainsi que nous le suggèrent les images pieuses, comme une jeune maman tenant contre elle son enfant. Nous la voyons attentive, délicate, douce, pleine de tendresse…Tout cela est sans doute vrai mais, n’est-ce pas un peu restrictif ? Si nous relisons l’Évangile, nous voyons que Marie était également une femme forte, résistante, physiquement mais aussi moralement. Pensez un peu à son voyage à Béthanie chez sa cousine Élisabeth, alors qu’elle était enceinte, à son voyage à Bethléem au 9e mois de sa grossesse, et son accouchement dans une étable... Elle ne perd pas la tête non plus dans les moments difficiles, elle retourne à Jérusalem pour retrouver Jésus perdu depuis trois jours. Elle aimait aussi la fête, les réjouissances, et réclame du vin pour les noces de Cana. Elle sait encaisser des réflexions terribles de Jésus : « Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux ! ». Marie, enfin, est faite pour les coups durs : elle ira jusqu’au pied de la croix. Non, Marie n’est pas une femme chétive, doucereuse, mièvre, mais vraiment une femme du peuple que les circonstances de la vie n’ont pas épargnée.
Nous pouvons voir encore quelle femme était Marie en entendant sa prière du Magnificat, cette prière pour le moins engagée et même subversive : « Déployant la force de son bras il disperse les superbes, il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles, il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides… » Marie ne croyait pas en un Dieu lointain, écrasant, mais en un Dieu actif, agissant aujourd’hui dans le monde, un Dieu prenant le parti des petits. Cette Marie de l’évangile me fait donc penser à tous ceux qui, aujourd’hui, essayent de mettre leurs pas dans les pas de Jésus, comme elle, dans les mêmes circonstances difficiles et douloureuses. Oui, Marie porte déjà en elle et dans sa prière, toutes ces mamans qui travaillent à préparer un repas, font la lessive et soignent leur famille… Marie porte en elle tous ces parents qui s’inquiètent pour leurs enfants, leur santé, leur avenir, leur éducation… Tous ces hommes et ces femmes qui s’engagent au service de leur communauté paroissiale : dans une chorale, comme catéchiste, comme visiteur de malade… Marie est du côté de ceux qui donnent leur vie pour la paix, pour libérer leurs frères écrasés et opprimés, pour améliorer la qualité de la vie, ceux qui luttent pour l’emploi ou le respect du travailleur…
En outre, Marie porte en elle tous ceux qui ont engagé leur vie dans une communauté religieuse pour accueillir et prier… Marie porte enfin dans la prière tous ceux qui ne partagent pas notre foi, notre culture, qui sont étrangers et d’une autre couleur. Oui, c’est en pensant certainement à tous ces gens du monde, d’hier, d’aujourd’hui et de demain que Marie proclamait son Magnificat.
Et nous, il nous arrive aussi parfois d’avoir des hésitations devant certains événements inquiétants de notre monde et de notre vie : « Mais comment cela ce fera-t-il ? » Si nous sommes réceptifs, nous entendrons l’envoyé du Seigneur nous répondre : « Rien n’est impossible à Dieu ». Et c’est ainsi que des femmes et des hommes d’aujourd’hui qui mettent leur confiance en Dieu peuvent encore chanter avec Marie : « Le Puissant fait pour moi des merveilles saint est son nom. »
Jacques NOIROT, sma