Père Justin-Sylvestre KetteSoutenance de thèse
Diocèse de BossangoaEntretien avec Mgr Nestor-Désiré Nongo
Diocèse de Dassa-ZouméUne journée avec Mgr François Gnonhossou
Être roi, c’est se pencher vers les petits.
Christ Roi
Première lecture
Lecture du livre du prophète Daniel
« Sa domination est une domination éternelle. » (Dn 7, 13-14)
Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.
Psaume
(Ps 92 (93), 1abc, 1d-2, 5)
R/ Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence.
Le Seigneur est roi ;
il s’est vêtu de magnificence,
le Seigneur a revêtu sa force.
Et la terre tient bon, inébranlable ;
dès l’origine ton trône tient bon,
depuis toujours, tu es.
Tes volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta maison,
Seigneur, pour la suite des temps.
Deuxième lecture
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
« Le prince des rois de la terre a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu. » (Ap 1, 5-8)
À vous, la grâce et la paix, de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre.
À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen.
Voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra, ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ; et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre. Oui ! Amen !
Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers.
Évangile
« C’est toi-même qui dis que je suis roi. » (Jn 18, 33b-37)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Alléluia[1].
En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Être roi, c’est se pencher vers les petits.
Cette fête du Christ Roi nous laisse un peu perplexes. Nous pensons peut-être, au fond de nous-mêmes, que ça fait ringard, pour ne pas dire tout à fait dépassé. Ce n’est plus d’époque ! D’autant plus qu’en fin de compte Jésus n’a jamais dit qu’il était roi. C’est Pilate qui lui pose la question : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus ne dit ni oui ni non, mais répond simplement : « Mon Royaume n’est pas de ce monde ».
Toute sa vie, Jésus a essayé de démonter l’image d’une divinité toute puissante qu’ont véhiculée les hommes de tous temps et de toutes religions. Il est venu renverser nos conceptions sur Dieu en nous faisant comprendre que ce n’est pas l’homme qui doit s’abaisser, mais que c’est Dieu qui s’abaisse, qui se penche vers l’homme, qui s’agenouille devant lui. Jésus n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour nous convaincre : il est né sur la paille et il est mort sur une croix. Comment pourrait-on trouver dans ces deux événements l’image d’un Dieu tout puissant ? Sans parler du contenu tout entier de son message… Et, malgré tout, nous retombons toujours dans cette vision, cette croyance - j’ai presque envie de dire cette idolâtrie - d’un Dieu tout puissant.
Si Dieu n’est pas tout puissant, contrairement à cette idée universellement admise, il est néanmoins habité d’une force extraordinaire : la force de l’amour, qui le pousse à faire des choix inhabituels, incompréhensibles pour le commun des mortels. En effet, alors que nous, tout naturellement, nous essayons d’entretenir des relations avec ceux qui sont plus hauts que nous pour essayer de nous élever – qui n’est pas honoré de serrer la main d’un chef d’état ou d’une vedette ? – Jésus, à l’inverse, cherche à rencontrer ceux qui sont au plus bas de l’échelle sociale pour les aider à se lever, à se relever, à grandir en dignité.
Pourtant, quand on n’y réfléchit, n’est-ce pas tout naturel ? Est « grand » celui qui se penche vers le plus petit ; est « petit » celui qui tente de se grandir pour rejoindre celui qui est grand. C’est vrai pour ce qui est de la taille, mais aussi pour tout le reste. Dans la famille, les parents sont les plus grands, et ce sont eux qui se penchent vers l’enfant pour le faire devenir adulte. A l’école, c’est le maître qui est le plus grand ; il s’abaisse pour se mettre au niveau des enfants et leur faire comprendre la leçon. Un roi n’a pas besoin d’aller plus haut, il ne peut que se pencher sur son peuple.
« Si vous voulez être le premier, c’est-à-dire le plus grand, faites-vous le dernier et le serviteur. » Voilà, mes chers amis, le dernier message que Jésus nous donne pour cette année liturgique que nous terminons aujourd’hui. Il rejoint entièrement le testament qu’il laissait à ses disciples à la veille de donner sa vie, lorsqu’il se mettait à genoux pour leur laver les pieds. « Nous sommes un peuple de prêtres, un peuple de rois », dit le psalmiste. Être roi, c’est se baisser du haut de sa grandeur, se pencher sur les pauvretés que nous côtoyons tous les jours.
Prenons conscience de notre grandeur et de nos richesses afin de mieux les mettre à profit pour que le Royaume avance vers la justice et la tendresse.
Jacques NOIROT, SMA
[1] Cf. Mc 11, 9b-10a.
Restons éveillés !
Trente-troisième Dimanche Ordinaire
Première lecture
Lecture du livre du prophète Daniel
« En ce temps-ci, ton peuple sera délivré. » (Dn 12, 1-3)
En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, jusqu’à ce temps-ci. Mais en ce temps-ci, ton peuple sera délivré, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre. Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais.
Psaume
(Ps 15 (16), 5.8, 9-10, 11)
R/ Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge.
Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.
Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.
Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !
Deuxième lecture
Lecture de la lettre aux Hébreux
« Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. » (He 10, 11-14.18)
Dans l’ancienne Alliance, tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le Lieu saint pour le service liturgique, et il offrait à maintes reprises les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés. Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. Or, quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché.
Évangile
« Il rassemblera les élus des quatre coins du monde. » (Mc 13, 24-32)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous pourrez vous tenir debout devant le Fils de l’homme. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Restons éveillés !
Dans la première lecture, ça bouge du côté Daniel le prophète, et cela se bouscule. Il semble qu’il y ait un monde nouveau qui se lève du côté du firmament où d’étranges figures surgissent tout en haut ; il est donc habité, et même équipé. Apparaît un chef de chantier qui s’appelle Michel, le chef de là-haut qui va à la fois tout mettre en route et tout prendre en main.
Mais un monde nouveau suppose des hommes et des femmes renouvelés. Une liste circule en effet, avec les noms de ceux qui ont été purifiés par le grand-prêtre. Il les a plongé dans sang de l’agneau, son propre sang, car il est grand-prêtre et agneau-victime à la fois.
Désarmais, il n’y a plus de pécheurs, puisque l’action du Grand-Prêtre a fait de cette foule de pécheurs non pas des saints mais des « élus ». Oui ! Les élus du Royaume, à une condition. C’est qu’ils soient entrés librement dans la liturgie de la purification en regrettant leurs péchés et en restant éveillés dans cette tourmente qui s’annonce. Il faut d’abord nettoyer, selon l’évangile, tout le cosmos. Sorti des mains du créateur intact et harmonieux à l’origine, il a été ravagé par Satan, le prince de ce monde, depuis la pomme volée et croquée du commencement. Voici donc le moment du grand nettoyage sous les ordres de Michel ! Inutile de courir à droite ou à gauche dans une église, un bunker ou un pèlerinage. On n’y échappera pas.
Mais qu’avons-nous à craindre, puisque nous sommes éveilles et tout prêts. Le Grand-Prêtre ne nous a-t-il pas plongés dans le sang de l’agneau pour nous purifier et nous préparer ? Lors dune célébration eucharistique par exemple...
Les textes de ce dimanche mettent vraiment notre foi à rude épreuve. C’est tout un retournement qu’il faut opérer en nous. Avec la grâce de Dieu, certes, mais il faut tout de même s’y mettre à temps. Il y a urgence. Et le dernier mot nous vient encore du psaume 15, lorsqu’il nous dit : Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. Il est à ma droite : je suis inébranlable.
Jean-Pierre FREY SMA
[1] Cf. Lc 21, 36.
« Elle a pris sur son indigence, elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Trente-deuxième Dimanche Ordinaire
Première lecture
Lecture du livre des Rois
« Avec sa farine la veuve fit une petite galette et l’apporta à Élie. » (1 R 17, 10-16)
En ces jours-là, le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie.
Psaume
(Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10)
R / Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur !
Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.
Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.
Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !
Deuxième lecture
Lecture de la lettre aux Hébreux
« Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude. » (He 9, 24-28)
Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à s’offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.
Évangile
« Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. » (Mc 12, 38-44)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
« Elle a pris sur son indigence, elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.[2] »
Elle a mis dans le trésor du Temple « tout ce qu’elle avait pour vivre », la pauvre veuve de Jérusalem. Déjà la veuve de Sarepta, d’après la première lecture, avait donné ce qui lui restait pour vivre, un poignée de farine et un peu d’huile, pour sauver le prophète Élie, l’homme de Dieu, pour aider Dieu agissant par son prophète. Dieu a besoin des hommes, mais il sait, à sa manière combler les personnes qui n’hésitent pas à répondre à ses appels : « pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. » L’histoire humaine, comme l’actualité quotidienne, est remplie d’exemples de personnes donnant tout, donnant de leur pauvreté, risquant leur vie pour les autres. De même l’histoire humaine et l’actualité quotidienne sont pleines d’exemples semblables aux scribes de l’évangile qui se promènent en vêtement d’apparat, cherchent les places d’honneur, dévorent les biens des veuves, pratiquent une corruption choquante.
En Marc, les scribes, hommes de loi, sont les opposants les plus virulents et les plus acharnés contre Jésus, ils sont mis en scène une vingtaine de fois et presque toujours dans un contexte d’opposition. Leur cupidité est d’autant plus odieuse qu’elle va de pair avec de longues prières. Ces prières deviennent alors une injure à Dieu. Leurs attitudes contredisent le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Elles constituent l’inverse de ce que Jésus attend de ses disciples à qui il demande d’être « le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Jésus, présenté par Marc quelques versets auparavant comme un maître qui enseigne, se trouve dans la position qui convient à un tel maître : il est assis, il est en face du trésor, c’est-à-dire des troncs publics où étaient recueillies les offrandes pour les sacrifices. Au lieu de s’attarder sur les riches qui donnent « de grosses sommes », son regard se pose sur une femme pauvre, une veuve, qui donne deux petites pièces de monnaie, ce qu’elle avait pour vivre. Jésus appelle ses disciples, car l’attitude de la veuve peut les interpeller. Il introduit sa réflexion par une formule solennelle : « amen je vous le dis… » Il commence par affirmer que, contrairement aux apparences, cette veuve a jeté dans le trésor plus que les riches qui ont donné beaucoup. Il prouve son affirmation par la comparaison entre la situation économique de la femme et celle des riches. Bien que leur offrande soit d’une grande quantité, ils n’ont mis que de leur superflu. À l’inverse, « elle a pris de son indigence, elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ».
En soi, le don de la veuve, qui donne sa vie pour aider le temple, la maison de Dieu, à vivre, n’est pas raisonnable, mais ce don annonce celui de Jésus qui va donner sa vie sur la croix dans les jours qui suivent, un don qui, lui non plus, n’est pas raisonnable. Tout de suite après cet épisode, Jésus annonce la destruction du temple. La lettre aux Hébreux, dans l’extrait qui est donné en deuxième lecture, dit que « le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme… et il s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude. »
Ainsi, le simple geste de cette humble veuve n’est pas seulement l’acquittement d’un devoir ou un acte de bienveillance par rapport au Temple. Il est un geste prophétique, un acte de confiance en ce Dieu en qui nous croyons, porteur de vie à travers la souffrance de son fils.
Jean-Marie GUILLAUME, sma
[1] Cf. Mt 5, 3.
[2] Mc, 12, 44.
Tu aimeras…
Trente-et-unième Dimanche Ordinaire
Première lecture
Lecture du livre du Deutéronome
« Écoute, Israël : Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur. » (Dt 6, 2-6)
Moïse disait au peuple : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses décrets et ses commandements, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie. Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a dit le Seigneur, le Dieu de tes pères. Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. »
Psaume
(Ps 17 (18), 2-3, 4, 47.51ab)
R/ Je t’aime, Seigneur, ma force.
Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !
Louange à Dieu !
Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire,
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie.
Deuxième lecture
Lecture de la lettre aux Hébreux
« Jésus, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas. » (He 7, 23-28)
Frères,
dans l’ancienne Alliance, un grand nombre de prêtres se sont succédé parce que la mort les empêchait de rester en fonction. Jésus, lui, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas. C’est pourquoi il est capable de sauver d’une manière définitive ceux qui par lui s’avancent vers Dieu, car il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur. C’est bien le grand prêtre qu’il nous fallait : saint, innocent, immaculé ; séparé maintenant des pécheurs, il est désormais plus haut que les cieux. Il n’a pas besoin, comme les autres grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses péchés personnels, puis pour ceux du peuple ; cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même. La loi de Moïse établit comme grands prêtres des hommes remplis de faiblesse ; mais la parole du serment divin, qui vient après la Loi, établit comme grand prêtre le Fils, conduit pour l’éternité à sa perfection.
Évangile
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Tu aimeras ton prochain. » (Mc 12, 28b-34)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Tu aimeras…
Dans le monde entier, on parle d'Amour, toutes les religions le prêchent, tous les hommes et les femmes souhaitent aimer et être aimés... Et pourtant, que d'échecs de l'amour dans nos sociétés, que de luttes, de violences et de guerres ! Ce mot « AMOUR » est plein d'ambiguïté, chacun le comprend à sa manière ; c'est pourquoi, dans l'évangile d'aujourd'hui, Jésus précise les conditions pour la réussite de l'amour, pour que celui-ci ne reste pas dans le domaine de la naïveté ou de l'illusoire.
Tu dis que tu aimes Dieu ? Bien sûr, mais si tu aimes Dieu seulement dans un petit coin de ton cœur, dans une petite partie de ta vie, tu n'aimes pas selon Jésus, Lui qui a dit : « Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, de toute ta force. » Il ne suffit pas d'aimer un « p'tit peu », avec une « p'tite messe » de temps en temps, une « p'tite prière » chaque soir. L'amour de Dieu doit prendre toute la vie. La quadruple répétition du Christ est significative. Aimer Dieu avec toute notre intelligence, toute notre volonté, toute notre affectivité, toutes nos décisions. Aimer Dieu de la tête aux pieds, du matin au soir, de la prime enfance jusqu'aux cheveux blancs, de notre vie intime jusqu'à nos responsabilités et engagements dans la société. Tu n'aimes pas Dieu, malgré tout ce que tu peux dire, si tu ne respectes pas Sa volonté, en famille, au travail, dans tes loisirs, dans le choix de tes lectures de tes émissions de T.V., dans le choix de tes fréquentations... L'amour de Dieu selon Jésus remplit toute la vie, comme tout vrai amour d'ailleurs !
Mais l'amour humain, l'amour du prochain, est encore plus piégé, encore plus souvent défiguré que l'amour divin. Si tu dis que tu aimes quelqu'un, l'aimes-tu pour toi, pour en profiter... ou bien l'aimes-tu pour lui, pour elle, vraiment ? On dit : « J'aime le chocolat » ou, dans les Fables de La Fontaine, le loup aime l'agneau, les deux sont vraiment « à croquer » ! Mais il vaut mieux ne pas être aimé de cette manière là. Au contraire, quand une maman aime son enfant, elle est capable de se sacrifier pour lui. Le mot « aimer », dans ce cas, a le sens contraire de la fable. Pour Jésus, c'est clair : le seul amour véritable est de donner sa vie pour ceux qu'on aime. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », c'est-à-dire d'un amour respectueux du bonheur de l'autre, comme si c'était le tien. C'est la règle d'or de l'amour véritable : « Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux[2] ». Il ne suffit donc pas de dire : je t'aime. Il faut encore vérifier de quel type d'amour on aime. Est-ce un amour qui accapare l'autre égoïstement pour soi-même ou un amour où l'on se donne entièrement à l'autre ? Car aimer, c'est d'abord et avant tout se donner complètement.
Ces deux amours, nous dit Jésus, résument toute la loi, mais ils ne se confondent pas, ils restent distincts, on ne peut les réduire à un seul. Beaucoup de chrétiens ont tendance à les fusionner, comme si aimer le prochain pouvait suffire. Le second commandement ne remplace pas le premier ; il est second, toute la solidarité et l'amour du monde ne peuvent dispenser d'aimer Dieu. Loin d'être interchangeables, les deux commandements se renforcent l'un l'autre. Si tu veux être fidèle à Jésus, tu ne peux te contenter d'aimer Dieu, tu dois aussi aimer tes frères. Mais tu ne peux te contenter d'aimer ton prochain, tu dois aussi aimer Dieu.
Frères et sœurs, qu'en ce dimanche nous comprenions tout cela, mais surtout que nous le mettions en pratique et qu'à nous aussi le Seigneur puisse dire comme il a dit au scribe : « Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu » !
Amen
Claude RÉMOND sma
[1] Cf. Jn 14, 23.
[2] Mt.7, 12.
La Toussaint : une communion qui réjouit, l’espérance qui donne la force !
Toussaint
Première lecture
Lecture de l'Apocalypse de saint Jean
« Voici une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. » (Ap 7, 2-4.9-14)
Moi, Jean, j’ai vu un ange qui montait du côté où le soleil se lève, avec le sceau qui imprime la marque du Dieu vivant ; d’une voix forte, il cria aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir de faire du mal à la terre et à la mer : « Ne faites pas de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. » Et j’entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau : ils étaient cent quarante-quatre mille, de toutes les tribus des fils d’Israël.
Après cela, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » Tous les anges se tenaient debout autour du Trône, autour des Anciens et des quatre Vivants ; se jetant devant le Trône, face contre terre, ils se prosternèrent devant Dieu. Et ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! »
L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon seigneur, toi, tu le sais. » Il me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. »
Psaume
(Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6)
R/ Voici le peuple de ceux qui cherchent ta face, Seigneur.
Au Seigneur, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !
C’est lui qui l’a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots.
Qui peut gravir la montagne du Seigneur
et se tenir dans le lieu saint ?
L’homme au cœur pur, aux mains innocentes,
qui ne livre pas son âme aux idoles.
Il obtient, du Seigneur, la bénédiction,
et de Dieu son Sauveur, la justice.
Voici le peuple de ceux qui le cherchent !
Voici Jacob qui recherche ta face !
Deuxième lecture
Lecture de la première lettre de saint Jean
« Nous verrons Dieu tel qu’il est. » (1 Jn 3, 1-3)
Bien-aimés,
voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. Et quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur.
Évangile
« Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » (Mt 5, 1-12a)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, dit le Seigneur, et moi, je vous procurerai le repos. Alléluia[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
La Toussaint : une communion qui réjouit, l’espérance qui donne la force !
Bien-aimés de Dieu !
« Tous ensemble, réjouissons-nous ! », c’est donc par une invitation à la joie que s’ouvre la liturgie de cette solennité de la Toussaint. Comment serions-nous encore tristes, quand nous voyons « une foule immense » d’hommes et de femmes, qui furent pétris de la même argile que nous, jouir, devenus les éternels vivants, de la gloire même de Dieu ? Voilà pourquoi, en dépit de TOUT - des haines et des guerres qui endeuillent l’humanité, des misères matérielles et morales, des échecs qui blessent, des péchés qui font saigner -, nous devons, en cette fête de tous les Saints, bannir toute tristesse et entonner l’hymne de la joie, dans l’espérance que nous rejoindrons aussi un jour cette foule jubilante pour célébrer éternellement l’amour de Dieu. Jésus nous y invite : « Soyez saints car vor Père céleste est saint[2] ».
Les « béatitudes » que nous avons écoutées dans l’Évangile de ce jour ne font, en aucune façon, l’apologie de la pauvreté ou des persécutions, du mépris ou de la calomnie ! C’est plutôt ce que Jésus lui-même a vécu. Les « béatitudes » sont le portrait spirituel de Jésus lui-même. Et si nous voulons parvenir à la sainteté, nous devons faire nôtre ces béatitudes, dans la contemplation de l’humanité de Jésus, lui qui a vécu notre condition d’homme en toute chose à l’exception du péché. Ainsi, c’est dans l’imitation de Jésus, jour après jour, qu’on parvient à la sainteté.
Mais, aux prises avec les épreuves de la vie, ne serions-nous pas tentés parfois de douter de cet amour de Dieu pour nous ? L’Évangile de cette fête se termine par cette phrase : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ». Ce serait une illusion d’imaginer une vie sans épreuves qui, d’ailleurs, entrent dans le plan de Dieu. Saint Jacques nous dit que, « quand vous butez contre toute sorte d’épreuve, pensez que c’est une grande joie. Car l’épreuve qui vérifie la qualité de votre foi, produit en vous la persévérance, et la persévérance doit vous amener à une conduite parfaite ; ainsi vous serez vraiment parfait, il ne vous manquera rien[3] ». Donc, la vie tout entière est un temps d’épreuves, un temps d’enfantement. Ce temps douloureux fera nécessairement place à la joie de la naissance. Alors, nous verrons qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent, et la gloire que Dieu réserve à ses enfants. Forts de cela, nous pouvons vivre dans ce monde en enfants de lumière pour y dissiper les ténèbres.
Vous savez que le texte de l’Apocalypse que nous avons écouté en 1ère lecture fut écrit en période de persécution et voulait encourager les disciples à persévérer et à tenir ferme dans la foi, dans la certitude du triomphe final. Tout chrétien doit avoir cette foi et cette espérance. Quant au nombre, ne nous limitons pas à ce chiffre de 144.000, qui n’est que symbolique - 12x12x1000 - et qui exprime une plénitude ! C’est plutôt « une foule immense » d’hommes et de femmes, « que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, races, peuples et langues », et qui doit nous encourager à persévérer. Ainsi, les exhortations adressées aux premiers chrétiens persécutés n’ont rien perdu de leur actualité aujourd’hui. Nous sommes affrontés aux mêmes épreuves, et même pires parfois. Nous avons à lutter comme ils ont lutté, appuyés sur le Christ !
Tous ces hommes et ces femmes qui sont saints étaient des gens comme nous. Ils ont connu comme nous les limites de la nature humaine. Mais ils se sont livrés tout entiers, avec leurs qualités, leurs défauts et leurs passions, à Dieu et à son amour miséricordieux. Parmi eux, il y a d’abord ceux que l’Église a « canonisés », après s’être penché attentivement sur le mystère de leur vie et avoir constaté qu’ils l’avaient rendue conforme à l’Évangile de Jésus proclamé dans les béatitudes. Mais il y a également tous ceux dont les noms restent dans l’ombre ; ce sont les saints anonymes. L’Église ne les a pas portés sur les autels mais, par leur soumission d’amour aux volontés divines, ils ont bénéficié, tout autant que les premiers, d’être introduits auprès de Dieu pour l’éternité.
Nous les fêtons parce qu’ils sont de véritables vainqueurs : ils ont remporté la victoire la plus difficile de toutes : d’abord sur eux-mêmes et sur les passions qui les agitaient, puis sur le monde et les démons, qui sans cesse les sollicitaient, pour rendre leur vie conforme à l’Évangile du Christ. Ainsi, plus que les grands généraux dont l’histoire exalte les exploits, ces saints méritent les honneurs du triomphe, et d’un triomphe éternel. Oui, Ils « viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau » ; ils ont « les palmes » de la victoire, ils sont pour toujours aux noces de l’Agneau !
En la Toussaint, nous communions avec tous les saints. Et elle est comme un point lumineux sur les routes humaines de l’ici-bas, trop souvent noyées dans les épais brouillards de l’absurde et du non-sens. Nous avons, nous aussi, quelque espoir de partager un jour leur triomphe, et nous n’en doutons pas puisque le Christ n’exclut personne du salut qu’il a apporté. Cependant, il ne l’impose pas ; il le propose. Libre à chacun d’accepter ou de refuser. Mais le suivre serait à notre avantage !
Demandons l’intercession de tous les Saints, et n’oublions pas de prier les uns pour les autres. Demandons la grâce de vivre dès maintenant dans la communion avec ces saints, et dans l’espérance de les rejoindre après notre pèlerinage sur cette terre. « Tous les saints et saintes de Dieu, priez pour nous ! » Amen.
Abbé Samuel GAMLIGO.
[1] Cf. Mt 11, 28.
[2] Mt 5, 48.
[3] Jc 1, 2-4.