Père Justin-Sylvestre KetteSoutenance de thèse
Diocèse de BossangoaEntretien avec Mgr Nestor-Désiré Nongo
Diocèse de Dassa-ZouméUne journée avec Mgr François Gnonhossou
Notre Père est de toute bonté.
Quatrième Dimanche de Carême
31 mars 2019
Première lecture
Lecture du livre de Josué
L’arrivée du peuple de Dieu en Terre Promise et la célébration de la Pâque. (Jos 5, 9a.10-12)
En ces jours-là, le Seigneur dit à Josué : « Aujourd'hui, j'ai enlevé de vous le déshonneur de l'Égypte. » Les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, en ce jour même, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. À partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient des produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan.
Psaume
(Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !
Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !
Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.
Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.
Deuxième lecture
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
« Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ. » (2 Co 5, 17-21)
Frères,
si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.
Évangile
« Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie. » (Lc 15, 1-3. 11-32)
Acclamation :
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi la part de fortune qui me revient. Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers. Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Mais le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à festoyer.
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé. Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras ! Le père répondit : Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Notre Père est de toute bonté.
Pour commencer, il faut dire qu’une parabole est une histoire parallèle qui révèle la présence de Dieu dans nos vies. Mais c’est plus qu’une fable.
Pour comprendre cet évangile du fils qui se retire de la famille pour aller voir ailleurs, en mieux espère-t-il, oui, pour comprendre cet évangile, tout dépend de la génération dont nous sommes, nous les lecteurs ou auditeurs. Pour les uns, le père de famille incarne l’autorité et la rigueur et la mère la compréhension et un certain refuge. Mais pour d’autres, le père est plutôt un partenaire proche, un copain même.
A regarder de plus près, nous rencontrons une étrange famille : deux fils, un père, et pas de mère. Il faut voir les choses comme elles sont, et elles sont ainsi… Mais il faut dire que c’est d’abord la figure du père qui nous impressionne. Car à voir de près ce père, par ses agissements de bonté, sa patience et sa compréhension, on peut dire qu’en fait il remplace la mère. Il se comporte en effet comme une mère pleine de compréhension pour ce fils cadet mal à l’aise dans cette famille, où apparemment il n’a pas trouvé sa place. Et ce père fait un geste que normalement un père, surtout à cette époque, ne ferait jamais : partager sa fortune et laisser partir ce fils avec le « magot ».
Et ce fils cadet court à la catastrophe. A tous les niveaux, il va de déchéance en déchéance, gardant même ces animaux radicalement impurs que sont les cochons, prêt même à manger ce qu’ils mangent… Il se rend bien compte qu’il ne lui reste qu’une solution s’il ne veut pas mourir comme une bête : c’est d’aller demander pardon, en avouant son manquement, au père qu’il connaît et dont, sans doute, il a déjà expérimenté la bonté.
Cette bonté, il va l’expérimenter une fois de plus dès qu’il s’approche de la maison. Nous connaissons ce geste sublime du père qui court vers son fils pour l’enfermer dans ses bras ; ce qui lui importe n’est pas l’aveu d’un éventuel péché d’indélicatesse, mais le retour de ce fils qu’il croyait perdu. La joie est parfaite et se transforme en une fête qui choque le fils aîné de retour des champs. Et là encore, le père s’incline pour se justifier devant le futur héritier… A lui de décider !
Ce qu’il faut comprendre et méditer dans ce texte, c’est ce qui a été dit tout en haut : une parabole est un parallèle de la présence active de Dieu dans nos vies et nos rencontres. Qui pourrait mieux dire que cette parabole inventée par Jésus pour nous présenter son Père et notre Père : un Père de toute bonté et de toute compréhension, qui veut nous rencontrer dans la joie, sans nous juger ni nous condamner. Et tout est dit !
Jean-Pierre FREY sma
[1] Cf. Lc 15, 18.
« Oui, j’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple… »
Troisième Dimanche de Carême C
24 mars 2019
Première lecture
Lecture du livre de l’Exode
« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis ». (Ex 3, 1-8a.10.13-15)
En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous. Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge. »
Psaume
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur fait œuvre de justice,
il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse,
aux enfants d’Israël ses hauts faits.
Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint.
Deuxième lecture
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour nous avertir. (1 Co 10, 1-6.10-12)
Frères,
je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Cependant, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.
Évangile
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » (Lc 13, 1-9)
Acclamation :
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le royaume des Cieux est tout proche. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. [1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ? Mais le vigneron lui répondit : Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
« Oui, j’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple…[2] »
Dans la première lecture, Dieu fait connaître son nom à Moïse : « Je suis ». Le mot hébreu derrière cette expression a rapport à la vie, il signifie « je suis », je suis vivant, je fais vivre. C’est le Dieu des origines, le Dieu des ancêtres, « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac le Dieu de Jacob », le Dieu qui a choisi ces trois personnages, qui les a accompagnés dans leur cheminement, qui les aimés, afin que d’eux naisse un peuple saint, témoin de la vie donnée, témoin de la tendresse et de l’amour de Dieu pour l’humanité. Il est le Dieu qui « a vu la misère de son peuple, qui a entendu ses cris sous les coups des surveillants ». C’est lui qui a appelé Moïse pour délivrer ce peuple de l’esclavage des Égyptiens. Il entend toujours la misère de son peuple.
Saint Paul, dans la deuxième lecture, rappelle l’histoire de l’exode, la marche du peuple pendant quarante ans, le temps d’une génération, à travers le désert, cette marche à laquelle le Carême fait référence : « Nos pères », dit Saint Paul, « étaient tous sous la protection de la nuée », c’est à dire sous la protection de Dieu. « Ils ont été unis à Moïse par un baptême, ils ont mangé la même nourriture spirituelle, ils buvaient à un rocher spirituel. » En rappelant cela, affirmant ainsi que Dieu a fait vivre son peuple dans le désert, Paul transpose tous ces événements sur le peuple chrétien. Le passage à travers la mer Rouge annonce le baptême. La nourriture et la boisson données au peuple dans le désert annoncent l’Eucharistie. Le Rocher, d’où l’eau de la vie est sortie, est le Christ. Les chrétiens constituent aujourd’hui le peuple de Dieu que Jésus conduit et fait vivre. Dans le désert, explique saint Paul, beaucoup n’ont pas su plaire à Dieu, ils n’ont pas voulu suivre le chemin qui leur était proposé, ils se sont égarés et ils sont morts sans être entrés dans la terre promise. « Leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert », rappelle Saint Paul. Et d’en tirer les conséquences pour les chrétiens aujourd’hui : ils sont appelés à suivre Jésus, à vivre selon son commandement d’amour, à ne pas désirer le mal, à ne pas récriminer contre Dieu, à ne pas accuser Dieu. D’ailleurs, ce Dieu qui donne la vie est patient. Il se met du côté des humains et, comme eux, prend patience devant des situations imprévues et inexplicables, tel Jésus dans l’évangile de ce jour, tel ce jardinier qui prend soin de son figuier avec beaucoup de délicatesse.
Dans cet évangile, des gens commencent à interpeler Jésus sur deux catastrophes récentes. La première lui est racontée par des personnes venant de Jérusalem : Pilate a fait massacrer des Galiléens qui offraient des sacrifices dans le Temple. Jésus doit être particulièrement sensible à ce cas puisqu’il est galiléen. Lui-même apporte son propre cas, celui des dix-huit personnes qui ont été tuées par la chute de la tour de Siloé. Ce n’est pas parce qu’ils étaient pécheurs, plus pécheurs que ceux qui sont restés en vie, que ces gens sont morts. Cependant Jésus précise que « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même[3] », c’est-à-dire que vous vous mettrez en dehors de Dieu, ce qui conduit à la mort spirituelle. Pour Jésus, les catastrophes, comme celles qui viennent d’être mentionnées, arrivent souvent et de façon imprévue, l’actualité nous en rapporte sans cesse. Nous vivons dans un monde plein de dangers, mais il ne peut pas y avoir de malheur plus grand, dit Jésus, que de ne pas se convertir, de manquer le but de sa vie, de ne pas prendre en compte la Bonne Nouvelle qu’il propose.
En deuxième partie de l’évangile, Jésus propose la parable du figuier. Le figuier se trouve, comme dans Isaïe[4], au milieu d’une vigne qui représente Israël, et il est supposé produire du fruit. Les trois années durant lesquelles le propriétaire est venu chercher du fruit peuvent correspondre au ministère public de Jésus. Le jardinier pourrait représenter Jésus qui déploie beaucoup d’efforts pour enraciner la bonne nouvelle en ses auditeurs. Le jardinier pourrait être aussi l’ouvrier apostolique qui met beaucoup d’effort pour faire produire l’arbre. Son intervention ressemble alors à celle des grands intercesseurs, qui prennent cause pour leur peuple, tels Abraham[5] ou Moïse[6]. Dieu se range toujours du côté de l’homme. Il fait toujours preuve de patience et de sollicitude pour qui montre des signes de conversion, de solidarité, d’intercession.
Jean-Marie GUILLAUME, sma
[1] Cf. Mt 4, 17.
[2] Exode 3, 7.
[3] Lc 13, 3 et 5.
[4] Is 5,1-7.
[5] Cf. Gn 18, 23-33.
[6] Ex 32, 11-14.
Laissons paraître notre visage transfiguré.
Deuxième Dimanche de Carême C
17 mars 2019
Première lecture
Lecture du livre de la Genèse
Le Seigneur conclut une alliance avec Abraham, le croyant. (Gn 15, 5-12.17-18)
En ces jours-là, le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux... » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. » Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ? » Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. » Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa. Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : « À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d'Égypte jusqu'au Grand Fleuve, l'Euphrate. »
Psaume
(Ps 26 (27), 1, 7-8, 9 abcd, 13-14)
R/ Le Seigneur est ma lumière et mon salut.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?
Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »
C’est ta face, Seigneur, que je cherche :
ne me cache pas ta face.
N’écarte pas ton serviteur avec colère :
tu restes mon secours.
J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »
Deuxième lecture
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens
« Le Christ transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux. » (Ph 3, 17 – 4, 1)
Frères,
ensemble imitez-moi, et regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons. Car je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.
Évangile
« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre. » (Lc 9, 28b-36)
Acclamation :
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur[1].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Laissons paraître notre visage transfiguré.
Depuis huit jours, les apôtres avaient quelque chose sur le cœur qui ne passait pas ! A la demande de Jésus : « Qui dites-vous que je suis ? », Pierre avait bien répondu : « Tu es le Messie de Dieu... ». Et c'est à ce moment-là que Jésus met tout par terre en annonçant sa mort prochaine : « Il faut que je souffre beaucoup, que je sois rejeté, mis à mort... » Patatrac…tout s’effondre ! Mais qu'est-ce que c'est que ce Messie-là ?
Les apôtres sont désemparés, et Pierre réagit même vigoureusement. Il réplique au Christ : « A Dieu ne plaise, cela ne sera pas ! » Jésus sent que, devant les épreuves de la passion qui approche, il faut fortifier leur foi, il faut leur redonner confiance. Aussi prend-il avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène-t-il, nous dit saint Luc, sur la montagne... pour prier.
Il y aurait beaucoup de choses à dire à propos de la Transfiguration, mais, Carême oblige, je me cantonnerai aujourd'hui à ces versets qui nous parlent de Jésus et de la prière ! A chaque moment important de son existence, Jésus prie. Tout au long de son évangile, Luc note que Jésus recherchait la solitude pour un cœur à cœur avec le Père, et ce texte, « Jésus se retira pour prier », revient comme un refrain dans l'évangile. Jésus vit dans une exceptionnelle intimité avec Dieu, qu’il appelle : « Père ».
Ne serait-ce pas à cela, PRIER d'avantage le Père, qu'il nous invite en ce Carême ? Il ne tient qu'à chacun d'entre nous de gravir la montagne et de faire partie de ces « privilégiés » qui, comme à la Transfiguration, auront des moments d'entretient particulier avec le Seigneur. Cette prière là n'est pas réservée aux mystiques ou aux religieux contemplatifs... Nous aussi, quel que soit notre âge, notre condition sociale, nos occupations, nous pouvons contempler Dieu. Ces instants seront peut-être rapides et fugaces, mais ils nous feront entrer dans l'intimité de Dieu et nous permettront de vivre ensuite plus intensément.
« Pendant que Jésus priait, son visage apparut tout autre... », nous dit saint Luc. A travers les évangiles, nous avons pu contempler de multiples visages du Christ : visage très humain de l'enfant grandissant en âge et en sagesse, visage du charpentier de Nazareth, visage du jeune Rabbi maître de sagesse, mais aussi visage de l'homme flagellé, couronné d'épines, crucifié, visage de souffrance et de sang inscrit sur le voile de Véronique. Et voici qu'un autre visage transparaît aux yeux des apôtres éblouis, celui du ressuscité, du roi de gloire qui reviendra à la fin des temps.
En évoquant pour nous Jésus au visage transformé par la prière, Luc veut nous encourager. Dans nos vies marquées par l'épreuve et par l'échec, par la souffrance et par le péché, la prière seule, à certaines heures, peut nous transformer. Par elle, en parlant au Seigneur et en l’écoutant, nous sommes transfigurés en son image. Nous devenons pour ainsi dire celui que nous fréquentons. On rencontre parfois des gens aux visages durs, fermés, inquiets, tourmentés qui font se demander si l'on a vraiment à faire à un enfant de Dieu. Cela vaudrait vraiment la peine de se laisser changer, transformer par la prière, de laisser affleurer sur nos visages la paix intérieure, la joie profonde, la bonté de cœur, fruits de ces contacts avec Dieu dans la prière.
Le temps du Carême est une montée vers la Gloire du Ressuscité, mais c'est aussi une montagne à gravir et, avec saint Paul, je vous souhaite de tenir bon dans le Seigneur... Que nous ayons aujourd'hui le courage de changer nos visages de carême, je dirai presque nos « faces de carême”, en visages de transfigurés. Transfigurés parce que nous savons que Dieu est proche, qu'il nous écoute et qu'il nous aime.
Amen
Père Claude RÉMOND sma
[1] Cf. Mt 17, 5.
Jésus est resté fidèle au delà des tentations.
Premier Dimanche de Carême
10 mars 2019
Première lecture
Lecture du livre du Deutéronome
La profession de foi du peuple élu (Dt 26, 4-10)
Moïse disait au peuple : Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu. Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : « Mon père était un Araméen nomade, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse. Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage. Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions dans la misère, la peine et l’oppression. Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte à main forte et à bras étendu, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges. Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. Et maintenant voici que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur. »
Psaume
(Ps 90 (91), 1-2, 10-11, 12-13, 14-15 ab)
R/ Sois avec moi, Seigneur, dans mon épreuve.
Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut
et repose à l’ombre du Puissant,
je dis au Seigneur : « Mon refuge,
mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »
Le malheur ne pourra te toucher,
ni le danger, approcher de ta demeure :
il donne mission à ses anges
de te garder sur tous tes chemins.
Ils te porteront sur leurs mains
pour que ton pied ne heurte les pierres ;
tu marcheras sur la vipère et le scorpion,
tu écraseras le lion et le Dragon.
« Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ;
je le défends, car il connaît mon nom.
Il m’appelle, et moi, je lui réponds ;
je suis avec lui dans son épreuve. »
Deuxième lecture
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
La profession de foi en Jésus Christ (Rm 10, 8-13)
Frères,
que dit l’Écriture ? Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons. En effet, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut. En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte. Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent. En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
Évangile
« Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté. » (Lc 4, 1-13)
Acclamation :
Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance1.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »
Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre. Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »
Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Jésus est resté fidèle au delà des tentations.
Bien-aimés de Dieu !
Notre montée vers Pâques, commencée le Mercredi des Cendres, nous emmène au premier Dimanche de Carême.
L’Évangile nous enseigne que le temps du Carême est un temps de combat. Jésus, devenu l’un de nous, a voulu connaître toute la condition humaine, pour nous montrer comment résister au péché et rester fidèle à Dieu. Et il est demeuré fidèle depuis son baptême jusqu’à la croix où il a remis son esprit.
De même que Jésus a lutté pendant quarante jours au désert contre les forces du mal qui tentaient de le détourner de sa mission, ainsi tout chrétien doit-il engager sa vie dans la réalisation de « ce qui plaît au Père » durant toute sa vie, se détourner du chemin du mal et renouveler sa foi et sa vitalité spirituelle. Toutes les tentations de Jésus sont en rapport avec le cheminement du peuple élu, durant son Exode vers la Terre promise. Ce peuple a murmuré contre Dieu au désert quand il avait faim ; il a adoré le veau d’or, et en arrivant en Terre promise, il s’est souvent porté vers les faux dieux. Il a demandé un signe, un prodige, à Dieu qui le lui a donné au lieu-dit Massa et Mériba, des mots qui signifient tentation et contestation.
Mais la différence entre Jésus et le peuple d’Israël réside dans le résultat : alors que le peuple a jadis été infidèle au désert, le Christ, lui, est resté fidèle. Son triomphe est dû à la confiance et à l’amour qu’il a pour le Père : réaliser Sa volonté demeure la seule nourriture de Jésus.
Apparemment, les tentations qu’il subit au désert semblent étrangères aux nôtres. Or ce sont en réalité les mêmes, sous des formes différentes. Ces tentations concernent le bien-être matériel, recherché de préférence aux biens spirituels ; le pouvoir et les avantages qu’on en retire ; l’orgueil par lequel, toujours plus préoccupés de paraitre que d’être, nous nous croyons supérieurs aux autres.
Saint Paul nous apprend que nous ne pouvons être justifiés et sauvés que par la foi. Mais pour que cette foi soit source de vie et de salut, il faut qu’elle imprègne notre âme en profondeur et qu’elle inspire nos décisions et nos activités ; et même nos sentiments.
Puissions-nous aussi, durant ce temps de Carême, et toute notre vie, être tendus vers la réalisation des volontés de Dieu, dans la mission qui nous est confiée. Puisse cette Eucharistie nous donner la grâce. Amen !
Bon Carême à tous !
Samuel GAMLIGO
1 Cf. Mt 4, 4b.
Le vrai disciple porte de bons fruits.
Huitième Dimanche Ordinaire C
3 mars 2019-02-25
Première lecture
Lecture du livre de Ben Sira le Sage
« Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé. » (Si 27, 4-7)
Quand on secoue le tamis, il reste les déchets ; de même, les petits côtés d’un homme apparaissent dans ses propos. Le four éprouve les vases du potier ; on juge l’homme en le faisant parler. C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre ; ainsi la parole fait connaître les sentiments. Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger.
Psaume
(Ps 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16)
R/ Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce !
Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits !
Le juste grandira comme un palmier,
il poussera comme un cèdre du Liban ;
planté dans les parvis du Seigneur,
il grandira dans la maison de notre Dieu.
Vieillissant, il fructifie encore,
il garde sa sève et sa verdeur
pour annoncer : « Le Seigneur est droit !
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »
Deuxième lecture
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
« Dieu nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. » (1 Co 15, 54-58)
Frères,
au dernier jour, quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; ce qui donne force au péché, c’est la Loi. Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue.
Évangile
« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. » (Lc 6, 39-45)
Acclamation :
Alléluia. Alléluia. Vous brillez comme des astres dans l’univers en tenant ferme la parole de vie. Alléluia1.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : « Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil », alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. »
Textes liturgiques © AELF
Homélie
Le vrai disciple porte de bons fruits.
Ce qui frappe dans les lectures de ce dimanche, première lecture et Évangile, c'est que ces deux textes nous rapportent des sentences, des consignes, des proverbes comme on aurait dit en Afrique, pour mettre en garde les auditeurs concernant les relations à l’intérieur de la communauté. Ces mêmes recommandations se retrouvent en Matthieu et Jean, mais écrites de façon différentes et prononcées dans un autre contexte.
Si Luc les rassemble ici, c’est qu’il y voit un lien entre elles. Nous allons le rechercher. Nous pouvons distinguer deux parties : une réflexion sur le regard et, en deuxième partie, la métamorphose de l’arbre et du fruit.
La première partie développe le thème du regard. Une première constatation : un aveugle ne peut conduire un autre aveugle. Sous- entendu, méfiez-vous lorsque vous vous posez en guide, rappelez-vous que vous êtes des aveugles de naissance. La petite histoire de la paille et de la poutre va tout à fait dans le même sens ; avec une poutre dans l’œil, on est bel et bien aveugle, pas question de prétendre soigner la cécité des autres.
Luc intercale entre ces deux remarques cette phrase : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais celui qui est bien formé sera comme son maître ». Cette formation dont parle Jésus, n’est-ce pas la guérison des aveugles que nous sommes ? C’est bien le même Luc qui a noté que les disciples d’Emmaüs n’ont commencé à y voir que lorsque « Jésus leur a ouvert l’esprit à l’intelligence des Écritures »2.
Le disciple « bien formé » a donc pour mission de porter au monde la lumière de la révélation. Ce que le prophète Isaïe disait du serviteur de Dieu dans ce que l’on appelle le chant du serviteur, est vrai de Jésus-Christ, mais aussi de ses disciples : «Je t’ai destiné à être la lumière des nations, à ouvrir les yeux des aveugles, à tirer du cachot le prisonnier…3 »
Luc passe sans transition à la métaphore de l’arbre et des fruits, ce qui donne à penser que l’on est toujours dans le même registre : le vrai disciple, celui qui se laisse éclairer par Jésus-Christ, porte de bons fruits, celui qui ne se laisse pas éclairer par Jésus-Christ reste dans son aveuglement et porte de mauvais fruits. De quels fruits s’agit-il ?
Ce petit passage fait suite à tout un développement de Jésus sur l’amour mutuel. On comprend que les fruits désignent notre comportement et notre regard, le mot d’ordre étant : « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Les contemporains de Jésus comprennent bien ce langage, ils savent que le Père attend d’eux et de nous des fruits de justice, de miséricorde, de paix en paroles et en actes : « ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur », dit Luc. Et Ben Sirac disait : « C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre… »
En quelques phrases, Luc vient de déployer tout le mystère chrétien. Formé par Jésus-Christ, le chrétien est transformé dans tout son être, son regard, son comportement, son discours. Alors, laissons l’Esprit travailler en nous !
Jacques NOIROT sma
1 Cf. Ph 2, 15d. 16a.
2 Luc 24, 45.
3 Isaïe 42, 6-7.